« Habacuc nous démontre quelle attitude avoir dans des situations difficiles et incompréhensibles, soit de venir devant Dieu avec une crainte respectueuse, reconnaitre qu’il est au contrôle des moyens de jugement et le maître sur toutes maladies. Comme lui, nous pouvons faire appel à sa compassion. Finalement, malgré le malheur possible (ou plutôt probable dans ce monde de pécheurs), nous pouvons se soumettre à la providence du Dieu tout-puissant. Comme Habacuc, qui avait raison d’être chamboulé par les événements, trouvons notre joie en Dieu qui nous donne la force et l’agilité, alors que les non-croyants n’ont aucun réconfort éternel. »

L’Éternel est dans son saint temple. Que toute la terre fasse silence devant lui! Prière d’Habakuk, le prophète. (Sur le mode des complaintes.) Éternel, j’ai entendu ce que tu as annoncé, je suis saisi de crainte. Accomplis ton oeuvre dans le cours des années, ô Éternel! Dans le cours des années manifeste-la! Mais dans ta colère souviens-toi de tes compassions! Dieu vient de Théman, Le Saint vient de la montagne de Paran… Pause. Sa majesté couvre les cieux, Et sa gloire remplit la terre. C’est comme l’éclat de la lumière; Des rayons partent de sa main; Là réside sa force. Devant lui marche la peste, Et la peste est sur ses traces. Il s’arrête, et de l’oeil il mesure la terre; Il regarde, et il fait trembler les nations; Les montagnes éternelles se brisent, Les collines antiques s’abaissent; Les sentiers d’autrefois s’ouvrent devant lui. Je vois dans la détresse les tentes de l’Éthiopie, Et les tentes du pays de Madian sont dans l’épouvante. L’Éternel est-il irrité contre les fleuves? Est-ce contre les fleuves que s’enflamme ta colère, Contre la mer que se répand ta fureur, Pour que tu sois monté sur tes chevaux, Sur ton char de victoire? Ton arc est mis à nu; Les malédictions sont les traits de ta parole… Pause. Tu fends la terre pour donner cours aux fleuves. A ton aspect, les montagnes tremblent; Des torrents d’eau se précipitent; L’abîme fait entendre sa voix, Il lève ses mains en haut. Le soleil et la lune s’arrêtent dans leur demeure, A la lumière de tes flèches qui partent, A la clarté de ta lance qui brille. Tu parcours la terre dans ta fureur, Tu écrases les nations dans ta colère. Tu sors pour délivrer ton peuple, Pour délivrer ton oint; Tu brises le faîte de la maison du méchant, Tu la détruis de fond en comble. Pause. Tu perces de tes traits la tête de ses chefs, Qui se précipitent comme la tempête pour me disperser, Poussant des cris de joie, Comme s’ils dévoraient déjà le malheureux dans leur repaire. Avec tes chevaux tu foules la mer, La boue des grandes eaux. J’ai entendu… Et mes entrailles sont émues. A cette voix, mes lèvres frémissent, Mes os se consument, Et mes genoux chancellent: En silence je dois attendre le jour de la détresse, Le jour où l’oppresseur marchera contre le peuple. Car le figuier ne fleurira pas, La vigne ne produira rien, Le fruit de l’olivier manquera, Les champs ne donneront pas de nourriture; Les brebis disparaîtront du pâturage, Et il n’y aura plus de boeufs dans les étables. Toutefois, je veux me réjouir en l’Éternel, Je veux me réjouir dans le Dieu de mon salut. L’Éternel, le Seigneur, est ma force; Il rend mes pieds semblables à ceux des biches, Et il me fait marcher sur mes lieux élevés. Au chef des chantres. Avec instruments à cordes. (Habacuc 3.1-19)

Introduction

Afin de mieux situer notre passage à l’étude, faisons une brève introduction historique et un survol de la structure du livre d’Habacuc. Le livre se trouve parmi les livres prophétiques de la Bible, précédant l’exile de Juda d’environ une quinzaine ou une vingtaine d’années. Les prophéties annoncées de la part d’Habacuc sont datés entre 609-598 avant Jésus-Christ, au moment où la puissance Babylonienne prend de l’ampleur.

Petit rappel historique

  • 931 avant Jésus-Christ : séparation entre le royaume du Nord (Israël) et du Sud (Juda);
  • 722 avant Jésus-Christ : Israël est conquis par les Assyriens et s’ensuit la déportation;
  • 701 avant Jésus-Christ : les Assyriens font subir des pertes énormes à Juda;
  • 612 avant Jésus-Christ : destruction de la capitale assyrienne par les Babyloniens;
  • 587/586 avant Jésus-Christ : Jérusalem, la capitale de Juda, est finalement détruite par les Babyloniens.

Donc, la menace au temps d’Habacuc vient des Babyloniens, peuple ayant participé à la destruction de l’empire assyrien qui s’était emparé de la Samarie en Israël. C’est dans un contexte historique agité qu’Habacuc suscite des réponses de Dieu, tel une pétition pour les justes du peuple.

Le prophète reçoit et transmet des oracles de Dieu, mais la particularité du livre est qu’il confronte Dieu par des questionnements et des complaintes; il laisse voir sa perspective des choses, tout en rapportant fidèlement les propos de Dieu. En plus de l’usage d’oracles et de lamentations, les styles littéraires d’adoration et autobiographique sont présents, choses particulières pour un livre prophétique.

Structure du livre d’Habacuc

Structure du livre

Le livre se divise en deux parties majeures, soit une portion d’« oracle révélé » (Habacuc 1.1) et une de « prière » (Habacuc 3.1). Dans la section prophétique des deux premiers chapitres, nous voyons une alternance entre les paroles de Dieu et d’Habacuc. Nous pouvons discerner à deux reprises une complainte du prophète (Habacuc 1.2-4; Habacuc 1.12-2.1) et une réponse respective de la part de Dieu (Habacuc 1.5-11; Habacuc 2.2-20). Le chapitre 1 porte sur le jugement du peuple de Dieu; le deuxième, sur le châtiment d’un peuple ennemi (Babyloniens); et le troisième, sur le salut du peuple de Dieu.

Structure du chapitre 3

Le chapitre 3 peut être vu à la manière d’un psaume de complaintes (Habacuc 3.1), à l’exemple du psaume 3 dont j’avais décortiqué les différentes composantes en août 2018, méditation disponible sur le site web de l’église. Sommairement, les composantes souvent retrouvées dans les psaumes de lamentations sont (4A, 2C) : appel à Dieu, complainte, confiance en Dieu, appel à la délivrance, assurance d’être entendu, adoration.

En prière, Habacuc s’adresse à Dieu et fait appel à la délivrance (Habacuc 3.2). Il fait une déclaration de foi, rappelant avec confiance et adoration la grandeur de Dieu (Habacuc 3.3-15). Il décrit ensuite la détresse par une complainte (Habacuc 3.16; Habacuc 3.17). Puis se fait voir son assurance d’être entendu par Dieu, exprimée par des actions de grâce (Habacuc 3.18; Habacuc 3.19).

Analyse d’Habacuc chapitre 3

Prière du prophète sous forme de psaume

Prière d’Habakuk, le prophète. (Sur le mode des complaintes.) (Habacuc 3.1)

Le chapitre 3 constitue la deuxième portion du livre qui consiste en une prière écrite sur le « mode des complaintes » (Habacuc 3.1), référant à un type particulier de psaume. La fin du chapitre (Habacuc 3.19b) termine par des indications propres aux psaumes, voulant que celui-ci soit remis au « chef des chantres » et accompagné par des « instruments à corde ». Le terme « selah » (« pause ») est utilisé à trois reprises et il est caractéristique aux écrits psalmiques, ayant une fonction liturgique et/ou musicale. La signification exacte du terme « selah » n’est pas certaine, mais il est toujours placé à un endroit stratégique, invitant la personne à s’arrêter pour réfléchir au contenu précédent.

L’adresse à Dieu

Éternel, j’ai entendu ce que tu as annoncé, je suis saisi de crainte. Accomplis ton oeuvre dans le cours des années, ô Éternel! Dans le cours des années manifeste-la! Mais dans ta colère souviens-toi de tes compassions! (Habacuc 3.2)

Habacuc adresse sa prière à l’Éternel, aspect toujours présent dans un psaume de lamentation (Habacuc 3.2a). Il affirme avoir entendu les prophéties de Dieu, adressées dans les deux premiers chapitres, soit la destruction d’Israël pour l’injustice qui règne et le châtiment des ennemis qui s’en prendront à eux. Ceci produit chez lui une crainte réelle qui le fait trembler, comme nous le verrons au verset 16. Malgré cette crainte, nous pouvons aussi discerner une attitude de crainte respectueuse devant la majesté de Dieu. Cette attitude lui permet d’accepter, voire même inciter, les oracles de malheur à venir, sachant que c’est le Dieu souverain qui les suscite (Habacuc 3.2b).

Il demande à l’Éternel de se rappeler de ses actes de délivrance passés et de manifester encore une fois la libération de son peuple. Typique de son style d’entretien avec Dieu, il l’interpelle ensuite en réclamant sa compassion, attribut souvent accolé à sa colère sainte. Dieu peut déverser sa colère contre ce qui est malsain, mais il démontre toujours sa compassion conjointement, se rappelant les termes de son alliance avec le peuple.

La présence du Dieu tout-puissant

Les versets 3 à 15 parlent de l’apparition de Dieu dans sa puissance, le décrivant dans le langage d’une théophanie (manifestation divine) comme un Guerrier divin. La théophanie d’Habacuc 3 en est une parmi plusieurs autres dans la Bible. Dans le Nouveau Testament, nous pouvons voir que l’incarnation de Christ devient le point culminant de la révélation théophanique, c’est-à-dire que Dieu le Fils se manifeste en chair et en os pour vivre parmi les humains. Hébreux 2.17 dit que Jésus nous est venu en aide en devenant semblable à nous étant :

[…] compatissant et digne de confiance dans le service de Dieu, pour faire l’expiation des péchés du peuple. (Hébreux 2.17)

Théophanie

Dieu vient de Théman, Le Saint vient de la montagne de Paran… Pause. Sa majesté couvre les cieux, Et sa gloire remplit la terre. C’est comme l’éclat de la lumière; Des rayons partent de sa main; Là réside sa force. Devant lui marche la peste, Et la peste est sur ses traces. Il s’arrête, et de l’oeil il mesure la terre; Il regarde, et il fait trembler les nations; Les montagnes éternelles se brisent, Les collines antiques s’abaissent; Les sentiers d’autrefois s’ouvrent devant lui. Je vois dans la détresse les tentes de l’Éthiopie, Et les tentes du pays de Madian sont dans l’épouvante. (Habacuc 3.3-7)

Étudions la première portion de la théophanie du Guerrier divin (Habacuc 3.3-7). Le verset 3 met Dieu en scène d’une façon majestueuse, d’où l’utilisation du terme « selah » permettant un moment de pause pour méditer sur la profondeur du sujet amené (Habacuc 3.3). Théman et Paran sont deux lieux au sud de Juda, ce qui rappelle les évènements autour du Mont Sinaï dont le don de la loi mosaïque et la guidance de Dieu au travers des peuples ennemis. Ce rappel permet déjà de reconnaitre la fidélité de Dieu dans le passé, malgré la présence de peuples ennemis. Dans le verset, Dieu est vu comme venant du Sud, mais dans l’incarnation de Christ, Dieu s’est abaissé du ciel, cette fois-ci venant non pour donner la loi, mais pour l’accomplir.

La suite du verset décrit la gloire de Dieu qui a toujours été avec eux  en le décrivant par des termes qui rappellent le Dieu des patriarches et qui évoquent sa sainteté. Sa majesté couvrant les cieux et sa gloire s’étendant sur toute la terre décrivent l’ampleur de sa splendeur.

Au verset 4, cette gloire de Dieu qui remplit la terre est comparée avec l’éclat éblouissant d’une lumière, des rayons lumineux partant de sa main (Habacuc 3.4). La force de Dieu réside dans sa main et il en dispose comme il le veut, pouvant la cacher et la montrer à sa guise. Cette force est vue dans les actes qu’il accomplit ensuite.

Le verset 5 comporte des termes relatifs à la maladie : la peste et la pestilence (ou fièvre brûlante). Un est imagé comme allant devant Dieu; l’autre, comme étant derrière lui (Habacuc 3.5). Les deux seraient les serviteurs de Dieu ayant comme fonction d’apporter le jugement, rappelant encore une fois les jugements dans l’histoire d’Israël et ayant une portée prophétique sur les infidèles du peuple et sur les Babyloniens. Dieu se sert souvent d’éléments soi-disant naturels et de maladies pour amener un jugement quelconque.

Ces maladies pouvant atteindre l’ensemble de la population de façon destructrice, tout comme le virus pandémique de nos jours, sont pourtant les serviteurs de Dieu et peuvent même amener des gens à la repentance. Dieu est encore tout puissant aujourd’hui, ses compassions n’étant pas à leurs termes. Nous pouvons avoir confiance en sa main souveraine et en sa fidélité envers les siens.

Au verset 6, Dieu s’arrête pour bien analyser la scène et mettre de l’avant son jugement contre les nations, démontrant que Dieu voit tout et qu’il est en mesure d’agir. Même les montagnes et collines (symboles de grandeur, puissance et permanence), qui semblent éternelles, ne tiennent pas devant lui qui est réellement éternel (Habacuc 3.6). Les sentiers qui s’ouvrent devant lui signifie que Dieu va agir comme autrefois et libérer son peuple. Ceci est un passage-clé pour comprendre à la fois une portée historique et prophétique du chapitre, Dieu allant agir comme il l’a déjà fait.

Le verset 7 se rattache au verset 3 par la mention de deux lieux au sud de Juda (Cushan et Madian) et conclut ainsi la première section de la théophanie. Une métonymie est utilisée (Habacuc 3.7). Une métonymie est une figure de style qui utilise un mot pour représenter une idée distincte, mais qui lui est associée (boire un verre : boire le contenu du verre; les tentes sont dans la détresse : ses habitants sont dans la détresse). Ces gens seraient, de par leur position géographique, les premiers à voir arriver le Saint Dieu et auraient, par conséquent, raison d’avoir peur. La vision du prophète « évoquerait un jugement du passé […] visant deux oppresseurs anciens du peuple de Yahvé ». Ces peuples représentent les ennemis présents de Juda qui auront bientôt à y faire face.

Le Guerrier Divin

L’Éternel est-il irrité contre les fleuves? Est-ce contre les fleuves que s’enflamme ta colère, Contre la mer que se répand ta fureur, Pour que tu sois monté sur tes chevaux, Sur ton char de victoire? Ton arc est mis à nu; Les malédictions sont les traits de ta parole… Pause. Tu fends la terre pour donner cours aux fleuves. A ton aspect, les montagnes tremblent; Des torrents d’eau se précipitent; L’abîme fait entendre sa voix, Il lève ses mains en haut. Le soleil et la lune s’arrêtent dans leur demeure, A la lumière de tes flèches qui partent, A la clarté de ta lance qui brille. Tu parcours la terre dans ta fureur, Tu écrases les nations dans ta colère. Tu sors pour délivrer ton peuple, Pour délivrer ton oint; Tu brises le faîte de la maison du méchant, Tu la détruis de fond en comble. Pause. Tu perces de tes traits la tête de ses chefs, Qui se précipitent comme la tempête pour me disperser, Poussant des cris de joie, Comme s’ils dévoraient déjà le malheureux dans leur repaire. Avec tes chevaux tu foules la mer, La boue des grandes eaux. (Habacuc 3.8-15)

Alors que la première section de la théophanie présentait Dieu à la troisième personne du singulier, la deuxième s’adresse à Dieu à la deuxième personne. Au verset 8, deux questions authentiques surviennent de la part du prophète, rappelant ceux qu’il pose au début du chapitre 1. Cette fois-ci, son questionnement n’accuse pas Dieu d’indifférence envers son peuple, mais de façon rhétorique, il évoque la possibilité que Dieu veut et peut les délivrer (Habacuc 3.8). Contrairement au chapitre 1, où ce sont les ennemis qui sont puissants sur leurs chevaux rapides, ici, c’est Dieu qui est représenté comme guerrier sur son char de victoire.

Ceci nous ramène à Exode 15.3 où Dieu est décrit comme un vaillant guerrier recouvrant l’armée égyptienne par les eaux de la mer. La deuxième section de la théophanie fait souvent allusion au contexte de la Mer Rouge que nous retrouvons dans Exode, mais le temps nous manque pour faire ressortir toutes les similarités. Le questionnement d’Habacuc communique la présente venue de Dieu comme un nouvel épisode de salut, ce que nous voyons dans les versets qui suivent.

L’arc mise à nu, au verset 9, signifie que le moment est venu pour l’exécution des oracles de malheur et de délivrance vus dans les premiers chapitres. C’est la parole de Dieu qui fait l’œuvre à la manière d’une arme de guerre (Habacuc 3.9). Le terme « selah » porte l’attention sur la puissance de la simple parole de Dieu, rappelant les événements de création par sa parole. Ceci met aussi l’accent sur l’accomplissement imminent du jugement à venir : le Guerrier qui passe à l’action en fendant la terre, les fleuves ayant maintenant libre cours pour juger les nations ennemis, tel qu’autrefois.

La supériorité de Dieu continue d’être démontrée, au verset 10, au travers de son autorité sur les éléments de sa création qui sont personnifiés (Habacuc 3.10). Les puissantes montagnes sont tremblantes en sa présence, les torrents d’eau se précipitant vers eux. Même l’abime, océan profond formé par les torrents d’eau, lève sa voix et ses mains (ses vagues) en signe de supplication et de soumission au Guerrier.

Au verset 11, même la lune et le soleil s’arrêtent devant lui, n’ayant plus d’éclat ni d’importance comparé à la lumière que dégagent ses armes de guerre (Habacuc 3.11). Il inspire la terreur aux éléments de la nature et les astres reconnaissent sa puissance.

Au verset 12, il est question du jugement des nations par la colère de Dieu (Habacuc 3.12). La réponse des questions du verset 8 est rendu évidente, le Guerrier en veut aux nations ennemis : « Yahvé piétine les nations comme le batteur le blé ».

Le terme « selah » est utilisé pour la dernière fois au verset 13, maintenant pour porter l’attention sur la conclusion des discours entre le prophète et Dieu vus aux premiers chapitres du livre d’Habacuc : délivrer son peuple et châtier les ennemis (Habacuc 3.13). Dieu délivre son peuple en détruisant complètement les méchants, la fondation de la maison étant mise à nu. Accomplir ceci en brisant le faîte (tête) de la maison montre qu’il le fait par le haut, signe de sa supériorité et de sa capacité d’assurément délivrer le peuple. L’image est que la tête de l’ennemi sera fracassée, signe défini de victoire pour le Guerrier. Ceci nous pointe vers l’accomplissement ultime en Christ, l’oint de Dieu qui a écrasé de façon définitive la tête de Satan à la croix, ce qui nous rappelle Genèse 3.15.

Nous voyons au verset 14 une réponse aux complaintes du prophète, soit que Dieu va agir contre ses ennemis qui sont sans pitié (Habacuc 3.14, version Semeur). La tête des chefs, les dirigeants ennemis, sera transpercée par leurs propres flèches. Ainsi, Dieu fera retomber sur eux leur propre méchanceté. Ils veulent disperser le prophète et le peuple comme une tempête le ferait. Leur certitude de victoire est tellement grande qu’ils se réjouissent déjà comme un animal féroce qui dévore ceux sans défense. Encore une fois, ceci nous rappelle la victoire de Christ par sa résurrection, alors que Satan se réjouissait de sa mort, ignorant en fait qu’il se tirait lui-même dans le pied (ou plutôt dans la tête).

Le verset 15 résume bien le fait que c’est Dieu qui contrôle les tempêtes et c’est lui qui agira en faveur de son peuple comme lors de la traversée de la Mer Rouge (Habacuc 3.15). Ici, nous voyons la reprise des termes vus au verset 8, ce qui clôt la deuxième section de la théophanie du Guerrier divin : l’Éternel foule les eaux avec ses chevaux à la manière d’un guerrier puissant. Cette fois-ci, c’est sous la forme d’une certitude plutôt que sous la forme de questions.

Apocalypse 19.11-16 parle de la venue finale du Christ sur son cheval blanc, tout comme Dieu le Guerrier était vu sur ses chevaux. C’est alors qu’il redescendra du ciel, tel un guerrier tout puissant jugeant et combattant avec justice pour sauver les élus et pour juger les infidèles. Le jugement final de Dieu sera favorable pour le juste qui vit par la foi (Habacuc 2.4b).

Complainte du prophète

J’ai entendu… Et mes entrailles sont émues. A cette voix, mes lèvres frémissent, Mes os se consument, Et mes genoux chancellent: En silence je dois attendre le jour de la détresse, Le jour où l’oppresseur marchera contre le peuple. Car le figuier ne fleurira pas, La vigne ne produira rien, Le fruit de l’olivier manquera, Les champs ne donneront pas de nourriture; Les brebis disparaîtront du pâturage, Et il n’y aura plus de boeufs dans les étables. (Habacuc 3.16-17)

Au verset 16, on retrouve la complainte du prophète, rappelant comme au verset 2, qu’il a entendu les oracles venant de Dieu (Habacuc 3.16). Ses quatre réactions corporels démontrent qu’il est saisi de crainte « jusqu’au fond de lui-même » face à la réalité de l’oppression à venir. Il conçoit néanmoins d’attendre en silence sans contredire Dieu, ayant reconnu l’autorité de son jugement, soit que les Babyloniens oppresseront le peuple infidèle.

Au verset 17, Habacuc mentionne six choses courantes de son entourage qui disparaitront à cause de la détresse à venir contre le peuple. Le théologien Waylon y voit une énumération ascendante en sévérité : le figuier et la vigne produisent des biens non-essentiels à la survie; l’olivier et la nourriture des champs sont nécessaire pour l’alimentation; les brebis (laine et nourriture) et bœufs (utile pour le travail) permettant le bien économique et pourvoient à l’alimentation. Ainsi la perte sera totale, du superflu de la végétation aux biens des bêtes vivantes.

Il est normal, comme Habacuc, de ressentir de la crainte (pouvant même affecter nos corps) face à des situations où nous perdons accès aux choses courantes de la vie. Comme lui, nous devons cependant reconnaitre que Dieu est au contrôle de tout et lui remettre nos inquiétudes. 

L’assurance en Dieu

Toutefois, je veux me réjouir en l’Éternel, Je veux me réjouir dans le Dieu de mon salut. L’Éternel, le Seigneur, est ma force; Il rend mes pieds semblables à ceux des biches, Et il me fait marcher sur mes lieux élevés. Au chef des chantres. Avec instruments à cordes. (Habacuc 3.18-19)

Heureusement, le verset 18 apporte un vent nouveau d’espoir. Bien plus que simplement se plier au sort des événements à venir, le prophète exprime son désir de se réjouir en l’Éternel, celui qui a entendu sa prière et qui est le Dieu de son salut. Il reconnait intellectuellement que sa force est en lui, bien que physiquement son corps soit accablé.

Finalement, c’est Dieu, son Seigneur, qui rend ses pieds sûrs et fermes, agiles comme une biche malgré l’ardeur des sentiers (Habacuc 3.19). Comme la biche, il ne se lassera pas même si le séjour est long et éprouvant. C’est le Seigneur qui le fait marcher sur les lieux élevés en sa présence, lieux qu’il s’approprie maintenant. Rien ne peut anéantir le croyant rendu apte à marcher sur les hauteurs : il voit les choses d’en haut, selon la perspective de Dieu, lui permettant de surmonter l’épreuve.

Conclusion

Le livre d’Habacuc est unique en ce qu’il nous fait découvrir le développement spirituel du prophète! Comme dans les psaumes de lamentation, nous voyons que c’est normal pour un croyant de questionner Dieu et de faire appel à lui, d’être troublé pour un temps; et aussi de venir à lui et de reconnaitre sa souveraineté et ses bontés, tout en trouvant notre espérance en lui par la foi. Comme Habacuc, rappelons-nous de la présence de Dieu dans l’histoire et comptons ses bienfaits afin de rassurer nos âmes quant au présent et au futur. Habacuc pouvait trouver son espérance dans la venue du Guerrier divin et nous pouvons le trouver dans la première venue de Jésus notre Sauveur et dans la deuxième venue de Christ le rédempteur.

Au verset 2, Habacuc fait mention de l’espérance du renouvellement de la compassion de Dieu (Habacuc 3.2). La miséricorde est une caractéristique divine qui « invite les humbles à crier à Dieu », à chercher la compassion de Dieu envers eux.  La miséricorde illustrée par l’acte salvateur du Guerrier divin se voit de façon « claire et personnelle dans le ministère du Christ », en qui se trouve le salut de Dieu. La vie de Jésus sur terre en était une de compassion envers ceux qui étaient dans le besoin. La mort de Jésus démontre sa miséricorde envers les pécheurs perdus en rendant les justes propices au salut. Ensemble, avec Habacuc, les pécheurs repentants peuvent se réjouir dans le Dieu de leur salut.

Habacuc nous démontre quelle attitude avoir dans des situations difficiles et incompréhensibles, soit de venir devant Dieu avec une crainte respectueuse, reconnaitre qu’il est au contrôle des moyens de jugement et le maître sur toutes maladies. Comme lui, nous pouvons faire appel à sa compassion. Finalement, malgré le malheur possible (ou plutôt probable dans ce monde de pécheurs), nous pouvons se soumettre à la providence du Dieu tout-puissant. Comme Habacuc, qui avait raison d’être chamboulé par les événements, trouvons notre joie en Dieu qui nous donne la force et l’agilité, alors que les non-croyants n’ont aucun réconfort éternel.

Le questionnement à savoir comment Dieu peut être vu comme juste et bon si le mal affecte même les croyants, les méchants pouvant dominer sur eux, est toujours d’actualitém mais l’assurance du croyant dans de telles situations l’est aussi, comme « une ancre de l’âme, sûre et solide » en Christ, celui qui est venu sauver les siens et qui reviendra comme triomphateur ultime.


Bibliographie

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CHISHOLM, R. B., « Théophanie », Dictionnaire de Théologie Biblique, Charols, Éditions Excelsis, 2006, p. 971-974.

O’BRIEN, J. M., Nahum, Habakkuk, Zephaniah, Haggai, Zechariah, Malachi, AOTC, Nashville, Abingdon Press, 2004, 213 p.

TIDIMAN, B., Nahoum, Habaquq, Sophonie, CEB, Vaux-sur-Seine, Édifac, 2009, 328 p.

TOWNER P. H., « Miséricorde, Compassion », Dictionnaire de Théologie Biblique, Charols, Éditions Excelsis, 2006, p. 751-754.

WAYLON, B., « Habakkuk », Micah, Nahum, Habakkuk, Zephaniah, NAC, Nashville, Broadman & Holman Publishers, 1991, p. 207-325.

Luc Tessier

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