« C’est vrai que certains chrétiens résistent plutôt bien au péché et s’abstiennent de tomber. Alors, si nous pouvons résister à tomber dans des péchés graves, je ne pense pas qu’un chrétien peut dire qu’il ne pèche jamais par omission ni en pensée. Ceci a des implications très pratiques dans nos vies. Lorsque nous exhortons un frère ou une sœur, si j’ai la prétention de ne plus pécher, je risque d’exhorter maladroitement. Ma prétention risque de paraître dans mon approche. Si je suis conscient que je pèche encore, je peux exhorter avec grande humilité. Je peux même dire à mon frère ou à ma sœur que je vais prier pour cette lutte et lui demander à son tour de prier pour moi dans mes luttes. […] Nous sommes des pécheurs. J’apporterais la nuance suivante : être pécheurs n’est plus notre identité, mais c’est encore notre état, notre situation, parce qu’il n’y a qu’un pécheur qui peut pécher. Les Écritures nous demandent de le reconnaître. »

 

Introduction

Dans les dernières semaines, nous avons regardé les moyens de grâce et, la semaine passée, nous avons vu que ces moyens fonctionnent ensemble, en synergie. Les moyens de grâce, c’est-à-dire de croissance chrétienne, sont la Parole de Dieu, la prière et la vie d’Église. Nous avions vu que la Parole de Dieu se comprend et se vit en Église. Nous allons maintenant voir que la prière doit se vivre avec la Parole de Dieu. La prière sans la Bible est une prière non inspirée, non dirigée par le Seigneur. La prière est la réponse du chrétien à la révélation de Dieu. Si je demande à Dieu de diriger ma vie, c’est qu’il a dit qu’il veut diriger nos vies. Ma prière n’est pas alimentée par mes désirs, mais par la Parole de Dieu.

Si je rends grâce au Seigneur pour la santé et toute sa providence à mon égard, c’est uniquement parce que la Parole de Dieu m’informe que c’est Dieu qui donne la santé et qui pourvoit à tous mes besoins. La prière est alimentée par la Parole de Dieu. Finalement, la prière se vit en Église. Combien de fois sommes-nous appelés à prier les uns pour les autres? Nous lisons souvent les épîtres en oubliant que les exhortations sont presque toutes à la deuxième personne du pluriel et non du singulier.

Nous sommes appelés à combattre ensemble dans la prière.

Le perfectionnisme

Il y a deux erreurs courantes concernant la sanctification. Le premier est une doctrine qu’on appelle le perfectionnisme. Cette doctrine a été amenée par John Wesley, le fondateur des Églises Méthodistes. Je vais en parler, parce que j’ai déjà entendu des propos sympathiques à cette doctrine dans notre Église.

Selon le perfectionnisme, le chrétien peut devenir parfait dans cette vie ici-bas. Si la Bible nous demande de viser la perfection, d’y aspirer, elle ne dit jamais que cette perfection est atteignable dans cette vie-ci. Je vais revenir sur le verset sur lequel Gérard m’avait questionné.

Ne soyez pas nombreux à vouloir être docteurs, mes frères, car vous savez que nous subirons un jugement plus sévère. Nous bronchons tous de plusieurs manières. Si quelqu’un ne bronche pas en paroles, c’est un homme parfait, capable de tenir tout son corps en bride. (Jacques 3.1-2)

Au verset 2 (Jacques 3.2), il manque un mot présent dans le grec et qui a une incidence très importante : ce mot est « car » ou « en effet ». Ce mot est important parce qu’il nous informe que le verset 2 (Jacques 3.2) expose la raison de ce qui est dit au verset 1 (Jacques 3.1). Je vais donc relire, mais comme il se doit, c’est-à-dire comme ça se trouve dans l’original :

Ne soyez pas nombreux à vouloir être docteurs, mes frères, car vous savez que nous subirons un jugement plus sévère. En effet, nous bronchons tous de plusieurs manières. Si quelqu’un ne bronche pas en paroles, c’est un homme parfait, capable de tenir tout son corps en bride. (Jacques 3.1-2)

Il s’agit donc d’une exhortation qui concerne l’enseignement. L’apôtre Jacques n’insinue pas que les apôtres peuvent broncher dans leur enseignement, ce qui n’est pas possible. Il affirme que tous, incluant les apôtres, bronchent de plusieurs manières. Les apôtres péchaient de diverses manières, mais exceptionnellement eux ne péchaient pas dans leurs enseignements. La suite s’arrête sur les péchés commis avec la langue. La suite pourrait être traduite par une formulation hypothétique : « Quelqu’un qui ne bronche pas en paroles est un homme parfait, capable de tenir tout son corps en bride. » Un prédicateur pourrait dire à une assemblée : « Personne ne peut être sauvé par ses œuvres. Si quelqu’un ici n’a jamais péché, il est agréé par Dieu sur la base de ses œuvres. » Ce prédicateur n’insinuerait pas qu’un homme pourrait ne jamais avoir péché. Il exposerait une vérité hypothétique pour faire ressortir que personne ne peut être agréé par Dieu sur la base de ses propres œuvres, mais en même temps, c’est une vérité que si quelqu’un n’a jamais péché, il va au ciel sur la base de ses propres œuvres. Le problème, c’est que tous ont péché. Relisons le verset en gardant en tête cette pensée :

Nous bronchons tous de plusieurs manières. Si quelqu’un ne bronche pas en paroles, c’est un homme parfait, capable de tenir tout son corps en bride. (Jacques 3.2)

Jacques n’insinue pas que quelqu’un peut ne jamais broncher. Il vient de dire le contraire au début en s’incluant. Blocher propose qu’il s’agit d’une ironie. Un tel homme n’existe pas justement parce que nous bronchons tous de diverses manières. C’est le principal texte sollicité par les perfectionnistes. Un autre verset sollicité pour soutenir cette doctrine est 1 Jean 3.6 :

Quiconque demeure en lui ne pèche pas; quiconque pèche ne l’a pas vu et ne l’a pas connu. (1 Jean 3.6)

Quiconque est né de Dieu ne commet pas le péché, parce que la semence de Dieu demeure en lui, et il ne peut pécher, puisqu’il est né de Dieu. (1 Jean 3.9)

La difficulté de ce verset pour les perfectionnistes, c’est que ce verset enseigne que le chrétien ne pèche pas dès sa naissance spirituelle. Dès qu’il est né de Dieu, il ne pèche pas.

Or, les perfectionnistes ne disent jamais cela. Ils disent que les chrétiens peuvent parvenir à se maintenir dans une vie de perfection, mais que ça vient avec le temps. Pour comprendre ces versets de Jean, nous devons tenir compte de la conjugaison dans le texte original, c’est-à-dire le grec de l’époque. Dans ces deux versets, les verbes sont dans un présent continu. Autrement dit, Jean ne parle que de ceux dont le péché est un mode de vie. Ils demeurent dans le péché. Le chrétien, lorsqu’il pèche, se repent et lutte contre son péché. Il ne demeure pas dans son péché. Dans sa même épître, Jean dit ceci aux chrétiens :

Si nous confessons nos péchés, il est fidèle et juste pour nous pardonner nos péchés et nous purifier de toute injustice. (1 Jean 1.9)

Mes petits enfants, je vous écris ceci, afin que vous ne péchiez pas. Et si quelqu’un a péché, nous avons un avocat auprès du Père, Jésus-Christ le juste. (1 Jean 2.1)

C’est vrai que certains chrétiens résistent plutôt bien au péché et s’abstiennent de tomber. Alors, si nous pouvons résister à tomber dans des péchés graves, je ne pense pas qu’un chrétien peut dire qu’il ne pèche jamais par omission ni en pensée.

Ceci a des implications très pratiques dans nos vies. Lorsque nous exhortons un frère ou une sœur, si j’ai la prétention de ne plus pécher, je risque d’exhorter maladroitement. Ma prétention risque de paraître dans mon approche. Si je suis conscient que je pèche encore, je peux exhorter avec grande humilité. Je peux même dire à mon frère ou à ma sœur que je vais prier pour cette lutte et lui demander à son tour de prier pour moi dans mes luttes.

En réponse à une remarque que quelqu’un m’a faite, nous allons revenir à l’épître de Jacques et voir qu’il va s’adresser aux chrétiens en leur rappelant qu’ils sont pécheurs. Non seulement ils pèchent, mais ils sont pécheurs. Portez attention au fait qu’il s’adresse aux mêmes personnes par le pronom « vous » :

Vous demandez et vous ne recevez pas, parce que vous demandez mal, afin de (tout) dépenser pour vos passions. Adultères! Ne savez-vous pas que l’amour du monde est inimitié contre Dieu? Celui donc qui veut être ami du monde se rend ennemi de Dieu. Croyez-vous que l’Écriture dise en vain : Dieu aime jusqu’à la jalousie l’Esprit qu’il a fait habiter en vous? (Jacques 4.3-5)

Jacques parle de ceux en qui l’Esprit habite, mais il vient de les traiter d’adultères.

Mais il donne une grâce supérieure, puisqu’elle dit : Dieu résiste aux orgueilleux, mais il donne sa grâce aux humbles. Soumettez-vous donc à Dieu; résistez au diable, et il fuira loin de vous. Approchez-vous de Dieu, et il s’approchera de vous. Purifiez vos mains, pécheurs, et nettoyez vos cœurs, âmes partagées. Reconnaissez votre misère, menez deuil, pleurez; que votre rire se change en deuil, et votre joie en tristesse. Humiliez-vous devant le Seigneur, et il vous élèvera. Ne médisez pas les uns des autres, frères. Celui qui médit d’un frère ou qui juge son frère, médit de la loi et juge la loi. (Jacques 4.6-11)

Jacques poursuit son exhortation :

Mes frères, si quelqu’un parmi vous s’est égaré loin de la vérité, et qu’un autre l’y ramène, sachez que celui qui ramène un pécheur de la voie où il s’était égaré sauvera une âme de la mort et couvrira une multitude de péchés. (Jacques 5.19-20)

Vous voyez? Nous sommes des pécheurs. J’apporterais la nuance suivante : être pécheurs n’est plus notre identité, mais c’est encore notre état, notre situation, parce qu’il n’y a qu’un pécheur qui peut pécher. Les Écritures nous demandent de le reconnaître.

La tension

Il y a donc une tension dans la vie chrétienne.

Nous donc aussi, puisque nous sommes environnés d’une si grande nuée de témoins, rejetons tout fardeau et le péché qui nous enveloppe si facilement, et courons avec persévérance l’épreuve qui nous est proposée, les yeux fixés sur Jésus, qui est l’auteur de la foi et qui la mène à la perfection. Au lieu de la joie qui lui était proposée, il a supporté la croix, méprisé la honte, et s’est assis à la droite du trône de Dieu. Considérez en effet celui qui a enduré de la part des pécheurs une telle opposition contre sa personne, afin que vous ne vous fatiguiez pas, l’âme découragée. Vous n’avez pas encore résisté jusqu’au sang en combattant contre le péché. (Hébreux 12.1-4)

Daniel Durand, pasteur
14 février 2018

Prédicateur invité

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