La semaine passée, nous avons vu les premiers versets du chapitre 3 du livre de Ruth. Nous allons lire les versets 7 à 13 afin de se remettre dans le contexte.
7 Booz mangea et but, et son cœur fut joyeux. Il alla se coucher à l’extrémité du tas de gerbes. Ruth vint tout doucement découvrir ses pieds et se coucha. 8 Au milieu de la nuit, cet homme frissonna et se retourna : voici qu’une femme était couchée à ses pieds. 9 Il dit : Qui es-tu ? Elle répondit : Je suis Ruth, ta servante, étends ton aile sur ta servante, car tu as devoir de rachat. 10 Booz dit à Ruth : Sois bénie de l’Éternel, ma fille ! Cette dernière marque de loyauté vaut mieux encore que la première, car tu n’as pas recherché des jeunes gens, pauvres ou riches. 11 Maintenant, ma fille, sois sans crainte, je ferai pour toi tout ce que tu diras, car sur la place publique chacun sait que tu es une femme de valeur. 12 Maintenant il est vrai que j’ai devoir de rachat, mais il en existe un autre plus proche que moi. 13 Passe ici la nuit. Au matin, s’il veut s’acquitter de son devoir de rachat envers toi, c’est bien, qu’il s’en acquitte ; mais s’il ne lui plaît pas de s’en acquitter envers toi, moi je m’en acquitterai envers toi, l’Éternel est vivant ! Reste couchée jusqu’au matin.
Afin de dissiper tout doute sur ce qui s’est passé cette nuit-là, le narrateur précise au verset 13 que Ruth resta couché au pied de Booz jusqu’au matin. Booz veut protéger Ruth des voleurs ou des ivrognes qui pourraient s’en prendre à elle en pleine nuit. Pour la protéger, il lui demande de demeurer couchée jusqu’au matin. Ruth 3.14 :
14 Ruth resta couchée à ses pieds jusqu’au matin et se leva avant l’heure où l’on peut se reconnaître l’un l’autre. Booz se dit : Qu’on ne sache pas que cette femme est entrée dans l’aire.
C’est au tour de Booz de proposer un scénario à Ruth, cette fois pour qu’elle puisse entrer à la maison sans que ça se sache et afin que sa sécurité soit assurée. C’est un bel exemple de l’importance de faire attention à notre témoignage. Ce n’est pas parce que nous n’avons rien à nous reprocher que nous devons prendre à la légère ce que les autres pourraient conclure. Ruth 3.15 :
15 Booz dit alors : Tends-moi le manteau qui est sur toi et tiens-le bien. C’est ce qu’elle fit et il mesura six mesures d’orge dont il la chargea, puis il rentra dans la ville.
Booz renvoie Ruth chez elle, mais en lui donnant des vivres. Quelques raisons peuvent expliquer le geste. Si jamais quelqu’un surprend Ruth sur le chemin, il conclura qu’elle travaille tôt le matin. Booz exprime aussi son intention de pourvoir aux besoins de Ruth au-delà du travail qu’il procure. Le rapport entre Booz et Ruth a changé. Il ne s’agit plus d’une veuve qui va glaner sur le terrain d’un riche propriétaire. Il s’agit d’un homme et d’une femme qui envisage le mariage. Booz veut aussi exprimer son désir de pourvoir aux besoins de Noémi qui est aussi veuve. Ruth 3.16 :
16 Ruth revint auprès de sa belle-mère et Noémi dit : Est-ce toi, ma fille ? Elle lui raconta tout ce que cet homme avait fait pour elle.
Lorsque Noémi demande « est-ce toi ma fille? », dans les circonstances, ça ne pouvait pas être une autre personne que Ruth, surtout aussi tôt le matin. La réponse est dans la traduction. Le sens pourrait tout aussi bien être « qui es-tu ma fille? » comme le traduit Darby. Ou encore « qu’en est-il de toi, ma fille? » selon Jérusalem. Et Semeur a choisi « comment les choses se sont-elles passées, ma fille? » À la base, le sens est qui es-tu, ma fille. Autrement dit, es-tu encore la veuve de Mahlôn ou la femme qui est promise à Booz? Dans le fond, Noémi demande à Ruth comment les choses se sont passées. Ça explique la fin du verset : Ruth lui raconta tout ce qui s’est passé. La confiance est totale entre Ruth et sa belle-mère. Ruth passe à l’essentiel dans son rapport. Il y en a pour Ruth.
Verset 16 :
Alors Ruth lui raconta tout ce que cet homme avait fait pour elle.
Et il y en a pour Noémi, verset 17 :
17 Elle dit : Il m’a donné ces six mesures d’orge en me disant : Ne retourne pas à vide vers ta belle-mère.
Booz ne s’intéresse pas seulement à Ruth mais aussi à Noémi. Il veut vraiment honorer la descendance familiale et prendre soin des deux veuves. Booz remplit les exigences de la loi qui demande de prendre soin de la veuve et de l’orphelin, et ce, avant même de savoir s’il pourra épouser Ruth. Noémi, mains vides à mains pleines. Vous rappelez-vous ce que Noémi avait dit en retournant à Bethléem? Ruth 1.21 :
Comblée j’étais partie ; vide l’Éternel me ramène.
Et maintenant, Booz dit à Ruth au verset 17 du chapitre 3 :
Ne retourne pas à vide vers ta belle-mère.
Le Seigneur renverse nos situations. Noémi devait passer par l’épreuve probablement pour comprendre que ce n’était pas une bonne idée d’aller se réfugier chez les Moabites. Mais lorsqu’elle revient, le Seigneur l’attend avec des bénédictions. Et le Seigneur passe par le peuple de Dieu pour bénir. Nous devons accepter que les bénédictions de Dieu passent souvent par les autres. Il y a des personnes qui refusent toute aide des frères et sœurs pour ne pas avoir d’obligation en retour. Ceci est une mauvaise conception du peuple de Dieu. Nous sommes placés ensemble afin de prendre soin les uns des autres. Ruth 3.18 :
18 Noémi dit : Reste ici, ma fille, jusqu’à ce que tu saches comment finira l’affaire, car cet homme ne sera pas tranquille qu’il n’ait terminé cette affaire aujourd’hui.
Ce verset nous dit que Ruth a aussi été informée qu’il y a un plus proche parent qui pourrait exercer sa priorité sur le droit de rachat. Tout n’est pas réglé. Mais Noémi connaît bien Booz. Elle sait qu’il ne traîne pas les choses. Comme la plupart de ceux qui se sont enrichis par le travail honnête, Booz est diligent. Ruth fait confiance à Noémi, et Noémi fait confiance à Booz. Ruth 4.1-2 :
1 Booz était monté à la porte et s’y était assis. Or, voici que celui qui avait devoir de rachat et dont Booz avait parlé vint à passer. Booz lui dit : Approche-toi, assieds-toi ici, toi un tel. Il s’approcha et s’assit. 2 Booz prit alors dix hommes parmi les anciens de la ville et dit : Asseyez-vous ici. Et ils s’assirent.
Booz monte à la porte de la ville et il prend place. Nous devons savoir qu’à l’époque, les villes étaient fortifiées pour se protéger des invasions ennemies. Et il n’y avait qu’une seule porte pour entrer et sortir. Cet endroit était très fréquenté parce que le commerce se passait là. Les commerçants qui venaient de l’extérieur devaient se présenter à cette porte, et bref, tout se passait là. C’est aussi à la porte que les pauvres attendaient le secours[1]. C’est là que les questions légales étaient tranchées[2]. Le fait que Booz s’installe à la porte de la ville nous montre qu’il veut faire les choses correctement, rien en cachette. Booz était probablement au courant que le plus proche parent allait tôt ou tard passer par là.
Le nom du plus proche parent n’est jamais mentionné. Peut-être pour ne pas l’humilier, lui et sa famille. Mais aussi, peut-être pour limiter le nombre des personnages identifiés qui s’élève à 7. La symbolique des nombres peut jouer. Booz rassemble aussi 10 responsables de la ville, probablement parmi les anciens de la ville. C’était la procédure pour trancher les affaires à l’époque. En ce temps-là, il n’y avait pas de papier, les choses n’étaient pas faites comme aujourd’hui. De nos jours, la signature est la preuve d’un engagement. À l’époque, c’était les témoins. À la fois, la sagesse est dans le grand nombre de conseillers, et un fait doit être attesté sur la déposition d’au moins 2 témoins. Avec 10 hommes, les deux exigences sont rencontrées. Ruth 4.3-4 :
3 Puis Booz dit à celui qui avait le devoir de rachat : Noémi, revenue de la campagne de Moab, a mis en vente la pièce de terre qui appartenait à notre frère Élimélek. 4 Et moi j’ai pensé t’en informer et te dire : Fais-en l’acquisition en présence de ceux qui siègent et des anciens de mon peuple ! Si tu veux racheter, rachète ! Si tu ne rachètes pas, déclare-le-moi, que je le sache, car il n’y a personne, à part toi, qui ait ce devoir. Je ne l’ai qu’après toi. Il répondit : C’est moi qui rachèterai.
C’est la première fois du récit que le lecteur apprend la présence d’un terrain qui appartenait à Élimélek, l’époux de Noémi. Avant d’aller plus loin, la question se pose à savoir pourquoi Ruth a dû aller glaner sur le terrain d’un autre si Noémi possédait un terrain. La réponse est simple. Noémi et son mari avaient quitté il y a une dizaine d’années. Le terrain n’avait probablement pas été cultivé. Il y avait tout à faire. On était très loin de pouvoir récolter sur un terrain négligé depuis une décennie. Nous sommes surpris que la négociation que Booz entame ne porte pas sur la veuve Ruth dont le nom du défunt doit être relevé mais sur le terrain que Noémi possède. La chose est compliquée. Dans la loi juive, une épouse n’était pas bénéficiaire de l’héritage de son mari. Nous ne lirons pas, mais nous retrouvons cela en Nombres 27.8-11. Cette loi dit que les biens iront aux frères du défunt. Mais il est possible que ce soit par le lévirat que le transfert se fasse. Ici, Booz fait preuve de génie. Il connaît le proche parent qui a priorité sur le droit de rachat. Et Booz semble miser sur une corde sensible de cet homme. Nous devons nous rappeler que les devoirs du proche parent étaient multiples. Et dans la situation de Noémi et Ruth, il y avait le rachat de la terre, le mariage de la veuve afin de préserver le nom du défunt, et la subsistance des démunis de la famille. Dans la loi mosaïque, ces devoirs sont présentés séparément, c’est-à-dire qu’un devoir n’est pas rattaché à l’autre. Mais ça ne signifie pas que ces devoirs ne sont pas liés. Le principe derrière toute la loi de Dieu est l’amour pour Dieu et l’amour pour le prochain. Or, remplir le devoir de rachat sur un aspect, mais sans remplir l’autre ne sort pas la veuve de son impasse. Et la situation du livre de Ruth était beaucoup plus complexe. Si le terrain se vend et que l’argent va à Noémi, puisque le terrain appartenait à son mari, Ruth demeure dans l’impasse. Elle n’a rien. Elle avait besoin d’un lieu pour vivre.
Frères et sœurs. Il arrive que nous nous trouvions dans une situation précaire. La Parole de Dieu nous montre que Dieu a prévu des avenues afin que nous nous soutenions les uns les autres. Dans la Bible, être membres du peuple de Dieu est synonyme d’être membres de sa famille. Nous devons être solidaires les uns des autres. Et l’estomac de mon frère ou de ma sœur doit être aussi important à mes yeux, et même plus important que mon propre estomac.
Daniel Durand, pasteur
30 janvier 2019