Épitre aux Romains – Introduction 4

« Plus qu’aucun autre, Paul ne manque pas une occasion de rappeler qu’il a été appelé par Dieu. Ici, il le fait par la description de tâche « mis à part » ou « établi pour l’Évangile de Dieu ». Cette mise à part, ou mise à l’écart, est autant une consécration à la tâche qu’une séparation à tout obstacle éventuel. On sent que, chez Paul, tout vient de Dieu et tout est par grâce. Son appel, son salut, même ses souffrances sont vues comme une grâce. Au verset 5, il associe encore la grâce et l’apostolat. Sa mise à part est « pour annoncer l’Évangile de Dieu ». L’Évangile est la seule cause qu’il sert. Cet Évangile est plus que Jean 3.16 : l’Évangile englobe tout l’enseignement chrétien, tous les aspects de la vie chrétienne et tous les aspects de la vie d’Église. L’Évangile a un contenu, un cadre, des exigences, des privilèges, etc. »

Thèmes

Langage juridique

  • Justice (justifier, justification, juste)
  • Inexcusable (sans défense)
  • Loi
  • Condamnation
  • Jugement (juger)
  • Obéir (désobéir)
  • Accuser-défendre
  • Transgression
  • Vérité

Importance de l’Ancien Testament

Dès le premier chapitre, Paul indique que l’Évangile qu’il prêche n’est pas une improvisation de dernière minute. Ses racines sont dans l’Ancien Testament. Alors que Paul a compris que le salut ne provient pas de la loi, il n’en demeure pas moins qu’il reconnaît toute la valeur de l’Ancien Testament.

Plan de rédemption

Il est assez évident que le fil conducteur de toute l’épître est la réalisation du plan de Dieu. Paul a eu ce génie de conjuguer ensemble la réalisation historique du plan de rédemption de Dieu en parlant de la situation des païens au chapitre 1 et de la situation des Juifs au chapitre 2 pour affirmer l’universalité du péché et, donc, de la perdition au chapitre 3 avant de développer l’histoire de la rédemption avec Abraham, personnage qui sert à la fois la présentation historique et individuelle du salut. Abraham est donc vu comme patriarche, c’est-à-dire comme premier représentant pour son peuple bénéficiaire et comme individu au chapitre 4 pour démontrer la justification et la sanctification qui se poursuivront jusqu’au chapitre 8 inclusivement. Aux chapitre 9 à 11, Paul présente comment les païens se greffent au tronc, c’est-à-dire au vrai peuple de Dieu, et comment les Juifs ont été mis à l’écart possiblement temporairement. Les derniers chapitres sont consacrés à des exhortations pratiques et aux salutations.

Influences historiques

Marcion

Il a adopté la théologie paulinienne en la dépassant à outrance. L’opposition grâce-loi l’a amené à rejeter tout l’Ancien Testament et les citations de l’Ancien dans le Nouveau.

Augustin

Augustin s’est converti à la lecture de Romains 13.13-14, constatant la gravité de son péché. C’est à partir de Romains qu’il a découvert les doctrines de la justification et de l’élection, bien que celles-ci aient été moins développées que chez les Réformateurs. Augustin a contribué à la théologie par sa compréhension du salut : prédestination, justification. Certains affirment qu’Augustin était calviniste avant Calvin. Pour contrer Pélage, qui affirmait que l’homme naturel avait la capacité de se tourner vers Dieu par lui-même, Augustin s’est servi de Romains comme argumentation. Augustin a influencé l’Église du Moyen-Âge sur le péché et sur la grâce.

Luther

L’impact de Romains sur Luther est légendaire. Luther était complètement angoissé par les exigences de Dieu. « Comment pourrais-je être juste devant Dieu, moi qui suis pécheur? » Luther ne voyait aucune issue jusqu’au jour où il a découvert que cette justice n’est pas à acquérir, mais que Dieu l’impute à ceux qui croient : ça a été libérateur. Autrement dit, aucun homme ne peut devenir juste par ses actions. Même si à force de persévérance, quelqu’un parvenait à se comporter comme Dieu le veut, ça n’effacerait pas ses péchés commis auparavant. Il n’y a que Jésus-Christ qui s’est comporté en tout point selon les exigences de Dieu : il a accompli toute la loi. Luther a découvert que la justice de Jésus-Christ était mise au compte du croyant. Quelle découverte pour lui! Luther venait de se convertir. Luther a tellement été fasciné par le fait que l’homme n’est pas sauvé par les œuvres qu’il a qualifié l’épître de Jacques d’épître de paille (qui devrait être brulée), parce que Jacques dit que la foi sans les œuvres est morte. Ce fut l’élément déclencheur pour les prises de position de Luther contre l’Église catholique romaine. Quel paradoxe : c’est l’épître aux Romains qui amène Luther à rejeter les prétentions catholiques romaines. Luther dépasse Augustin et articule la doctrine de l’imputation de la justice de Jésus-Christ. Si le don de la loi à Moïse coïncide avec l’invention de l’écriture, la Réforme coïncide avec l’invention de l’imprimerie par Gutenberg. Dieu a suscité Luther pour amener la Réforme. Vous voyez l’impact de l’épître aux Romains?

Quelques propos de Luther :

Toi, Seigneur Jésus, tu es ma justice, mais moi, je suis ton péché ; tu as assumé ce qui est à moi, et tu m’as donné de que je n’étais pas […] de même qu’il s’est chargé de toi et qu’il a fait siens tes péchés, il fait tienne sa justice. (M. Luther, « Lettre à Georg Spenlein (avril 1516), dans Œuvres, tome VIII, Genève, Labor et Fides, 1959, p. 10 (cité dans Blocher, ibid., p. 294).)

Dans un livre remarquable consacré à Luther, Lucien Febvre évoque ainsi l’expérience du réformateur :

Justification par la foi : cette formule d’apparence inerte, on voit en réalité ce qu’elle renferme d’énergie et de dynamisme. On voit ce qu’elle contient en puissance de confiance joyeuse, d’élan, d’invincible assurance. On voit, à la veille des événements de 1517 ce qu’elle exprimait pour un Martin Luther : la conviction d’avoir un Dieu pour lui, avec lui, en lui, un Dieu qui n’était pas la justice immanente des théologiens, mais une volonté active et rayonnante, une bonté souveraine agissant par amour, en se donnant à l’homme pour que l’homme se donne à Dieu. (Lucien Febre, Un Destin, Martin Luther, Paris, PUF, 1952, p. 47.)

Wesley

Wesley est à l’origine du mouvement méthodiste, qui est issu du milieu anglican au 18e siècle. Wesley a lu la préface du Commentaire de Luther sur Romains et le choc qu’il reçut le conduisit à placer sa confiance en Jésus-Christ seul pour obtenir le pardon et le salut.

Voici son propre témoignage :

Dans la soirée [du 24 mai 1738], je me rendis à contrecœur à une société, dans Aldersgate Street, où j’entendis lire la préface de Luther à l’épître aux Romains. Vers neuf heures moins le quart, en entendant la description qu’il fait du changement que Dieu opère dans le cœur par la foi en Christ, je sentis que mon cœur se réchauffait étrangement. Je sentis que je me confiais en Christ, en Christ seul, pour mon salut ; et je reçus l’assurance qu’il avait ôté mes péchés, et qu’il me sauvait de la loi du péché et de la mort. (Citation de Wesley dans Matthieu Lelièvre, John Wesley, sa vie et son œuvre, 7e éd., Nîmes, Prédications évangéliques méthodistes, 1992, p. 71.)

Bunyan

John Bunyan a été tellement inspiré par cette épître qu’il a écrit Le voyage du pèlerin.

En Suisse

Le Réveil suisse au début du 19e siècle et l’importance de l’épître aux Romains dans la vie et le ministère de Robert Haldane et du réveil en question doivent être mentionnés, même si ce n’est que brièvement. Haldane, un prédicateur laïc écossais, arrive en Suisse pour faire de l’évangélisation. Il entend un groupe de jeunes étudiants en théologie discuter de questions théologiques dans un parc de la ville. Leur ignorance de vérités bibliques fondamentales (re)découvertes par la Réforme le peine et le pousse à vouloir les instruire. Il les invite chez lui pour leur parler plus précisément des vérités de l’Évangile et il le fait en lisant et commentant l’épître aux Romains : le résultat en est la conversion de plusieurs de ces étudiants qui seront utilisés puissamment par Dieu pour l’œuvre de réveil et pour la théologie qui sera développée par la suite (ce qui aura des répercutions même au Québec francophone, puisque l’Évangile y sera prêché par une convertie de ce Réveil, Henriette Feller). Les étudiants convertis ont pour noms Merle d’Aubigné, Gaussen, etc.

Les Commentaires

Bullinger

Le premier commentaire complet sur l’épître vient de Bullinger (16e siècle). Bullinger, influencé par les écrits de Martin Luther, adhère à la Réforme et figure avec les réformateurs. Il a travaillé avec Zwingli, un réformateur suisse, avant de suivre dans sa théologie l’autre grand réformateur, Jean Calvin.

Bucer

Le second commentaire sur Romains vient de Bucer, un ancien dominicain qui se rallia aussi à Luther. Bucer avait un tempérament qui l’amenait à vouloir l’unité entre les branches de la Réforme, ce qui ne le servit pas réellement.

Calvin

Nous devons le troisième commentaire sur Romains à Jean Calvin. L’Église protestante doit énormément à Calvin. À notre époque, nous avons tendance à rejeter tout le passé. Cette attitude nous appauvrit. Calvin a écrit des commentaires sur pratiquement toute la Bible en plus d’une dogmatique qui a influencé toute l’Église par la suite. Son commentaire sur Romains est de ce fait très riche du fait que Calvin avait une connaissance profonde à la fois de l’ensemble des Écritures et de la dogmatique ou la théologie systématique si vous préférez.

Luther

À vérifier : Luther n’a pas écrit de commentaire sur Romains, ce qui est surprenant, mais il a écrit une préface à l’épître. Nous voyons avec ces grands réformateurs que l’épître aux Romains a été un outil incroyable pour réformer l’Église. Aujourd’hui, cette épître continue de nous intriguer, de susciter notre curiosité et, surtout, de nourrir nos âmes et d’étancher notre soif. C’est donc une bonne décision que vous avez prise d’étudier cette épître. Un des faits déterminants de la Réforme a été l’indignation de plusieurs prêtres devant l’immoralité et les richesses de l’Église de Rome. Plusieurs réformateurs étaient des prêtres qui désiraient une réforme à l’intérieur de l’Église romaine.

 

Voilà pour la partie introduction. Nous arrivons maintenant au texte biblique proprement dit. Nous allons étudier Romains par sections. Le fait de découper par sections ne doit pas briser l’unité du livre. Nous pouvons voir que Paul passe à un autre sujet, mais ce sujet est relié au précédent. Tous les sujets s’inscrivent dans le développement d’un grand sujet. Cet après-midi, le cours va porter sur ce qu’on appelle « l’exorde ». C’est la partie dans laquelle l’auteur introduit son livre. Dans les écrits épistolaires du grec ancien, leur manière d’écrire une lettre, il y avait toujours la présentation de l’auteur, puis les salutations de façon élogieuse en prenant soin de confier les destinataires aux faveurs des divinités. Nous possédons plusieurs correspondances de l’époque gréco-romaine et elle débute toutes avec ces mêmes éléments. Nous retrouvons ces mêmes éléments dans les lettres de Paul.

Paul, serviteur du Christ-Jésus, appelé à être apôtre, mis à part pour l’Évangile de Dieu, — cet Évangile, Dieu l’avait promis auparavant par ses prophètes dans les saintes Écritures, il concerne son Fils, né de la descendance de David selon la chair, et déclaré Fils de Dieu avec puissance selon l’Esprit de sainteté, par sa résurrection d’entre les morts : Jésus-Christ notre Seigneur. C’est par lui que nous avons reçu la grâce et l’apostolat pour amener, en son nom, à l’obéissance de la foi toutes les nations, parmi lesquelles vous êtes aussi, vous qui avez été appelés par Jésus-Christ, à tous ceux qui, à Rome, sont bien-aimés de Dieu, appelés à être saints : Que la grâce et la paix vous soient données de la part de Dieu notre Père et du Seigneur Jésus-Christ ! (Romains 1.1-7)

Verset 1

Paul, serviteur du Christ-Jésus, appelé à être apôtre, mis à part pour l’Évangile de Dieu, (Romains 1.1)

En une phrase, Paul présente son ministère aux destinataires. Il ne le fera pas en exhibant ses capacités. Il ne se présente pas comme un imminent théologien, comme un docteur en Ancien Testament, ni comme quelqu’un au front, ni comme un brillant intellectuel, quoi que toutes ces choses sont vraies. Il se présente de façon humble, en indiquant que c’est le Seigneur qui l’a établi. Paul utilise son nom romain plutôt que son nom juif, Saul, possiblement parce qu’il est l’apôtre des Gentils, des païens (doulos = serviteur, esclave, plutôt que diakonos). Le terme était méprisant dans la pensée populaire. Les esclaves occupaient le rang inférieur dans l’échelle sociale. L’esclave ne pouvait rien revendiquer et il ne s’appartenait même pas. D’un autre côté, les Juifs considéraient ce titre comme un grand privilège lorsqu’il est attaché à Dieu (Exode 19), mais ces vérités conviennent au chrétien. Le chrétien ne doit rien revendiquer, seulement intercéder et dépendre de la providence du Maître. Le chrétien ne s’appartient pas. Le terme indique que Paul est lié à Jésus-Christ comme serviteur. Un esclave ne s’appartenait pas : il appartenait à son maître (soumission et dépendance). Avant de se reconnaître avec des titres et des fonctions, nous devons nous reconnaître comme des esclaves de Christ. Ça place les titres et les fonctions dans la juste perspective. Ceci est renforcé par le fait qu’au verset 5, il reconnaît la pleine seigneurie de Jésus-Christ. L’esclave devait reconnaître l’autorité de son maître. Derrière le mot « serviteur », il faut voir la reconnaissance de l’appartenance complète à Jésus-Christ. Se dire serviteur ou esclave de quelqu’un, c’est reconnaître l’autorité sans restriction de Jésus-Christ sur sa vie. La désignation a ses limites : si les esclaves sont considérés comme des moins que rien par leur maître, il n’en est pas ainsi de la relation à notre Maître. Par l’appellation de serviteur, Paul rejoint les grands personnages : Abraham (Genèse 26.24), Moïse (Nombres 12.7), Josué (Josué 24.29), David (2 Samuel 7.5), Ésaïe (Ésaïe 20.3). Les hommes de Dieu doivent toujours se rappeler qu’ils ne sont que serviteurs de Dieu. David était roi sur Israël, mais quand il se présente devant Dieu, il reconnaît que Dieu est le seul vrai Roi et que lui n’est que serviteur (ex. : Psaumes 5). Nous, les chrétiens, devons aussi reconnaître la pleine autorité du Christ sur nous et notre totale dépendance à lui. Paul débute donc par l’humilité avant de mentionner son ministère apostolique. En se désignant comme esclave, Paul exprime son rang par rapport au Maître. En se désignant comme apôtre, Paul exprime la fonction à laquelle il est appelé.

Apôtre

Paul débute donc par l’humilité avant de mentionner son ministère apostolique. En se désignant comme esclave, Paul exprime son rang par rapport au Maître. En se désignant comme apôtre, Paul exprime la fonction à laquelle il est appelé (apôtre : plus qu’un titre, un ministère, tenu de Dieu, le qualifie pour annoncer l’Évangile aux nations). Le terme «  apôtre » signifie « envoyé avec une commission ». Certains, en fait les douze et Paul, ont porté ce titre au sens fort du terme. Il y avait une autorité déléguée, avec les pleins pouvoirs de celui qui envoie. D’autres ont porté ce titre, Barnabas, Silas et Timothée, Jacques, le frère du Seigneur, mais les responsabilités qu’ils ont eues démontrent qu’ils n’occupaient pas une position de même rang. La reconnaissance de l’apostolat est importante chez Paul, puisqu’il a dû combattre ses dénigreurs. Dans le cercle apostolique, il y avait les douze qui avaient un ministère au bénéfice des Juifs. Pierre avait une primauté. Paul se place sur le même rang que ces apôtres.

Or, j’estime que je n’ai été inférieur en rien aux apôtres prétendus supérieurs. (2 Corinthiens 11.5)

En passant, il est intéressant de remarquer que Paul se place au même niveau que les douze apôtres, incluant Pierre. Donc, si Pierre a eu une primauté, il n’y avait pas de pontificat. Dans Galates 2, Paul dit que ce que Pierre est pour les Juifs, lui l’est pour les païens. La vocation d’apôtre, Paul rappelle qu’il l’a reçue par appel, donc il ne se l’est pas appropriée. Les chrétiens accordaient le respect dû aux douze apôtres, parce qu’ils avaient vu le Seigneur Jésus. Paul n’a pas suivi Jésus et c’est pourquoi on le discréditait. Il rappelle que Jésus lui est apparu pour l’apostolat :

Mais lève–toi, et tiens–toi sur tes pieds ; car voici pourquoi je te suis apparu : je te destine à être serviteur et témoin des choses que tu as vues de moi et de celles pour lesquelles je t’apparaîtrai. Je t’ai pris du milieu de ce peuple et des païens, vers qui je t’envoie, pour leur ouvrir les yeux, (Actes 26.16-17)

Plus qu’aucun autre, Paul ne manque pas une occasion de rappeler qu’il a été appelé par Dieu. Ici, il le fait par la description de tâche « mis à part » ou « établi pour l’Évangile de Dieu ». Cette mise à part, ou mise à l’écart, est autant une consécration à la tâche qu’une séparation à tout obstacle éventuel. On sent que, chez Paul, tout vient de Dieu et tout est par grâce. Son appel, son salut, même ses souffrances sont vues comme une grâce. Au verset 5, il associe encore la grâce et l’apostolat. Sa mise à part est « pour annoncer l’Évangile de Dieu ». L’Évangile est la seule cause qu’il sert. Cet Évangile est plus que Jean 3.16 : l’Évangile englobe tout l’enseignement chrétien, tous les aspects de la vie chrétienne et tous les aspects de la vie d’Église. L’Évangile a un contenu, un cadre, des exigences, des privilèges, etc.

Prédicateur invité

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